mardi 1 mars 2011

Lire pour rester au Japon (au moins dans ma tête)

Je suis rentrée à Montréal le 11 janvier, mais je n'ai pas eu l'envie (ou le courage?) de décrire mes derniers jours à Tokyo et mon retour à la routine de l'université. Pourtant, tout c'est très bien passé... Mais encore une fois, je serais restée au Japon.
Et j'y retournerai.

Entretemps, je ne cesse de lire des romans japonais et des non-fictions sur le Japon. Je pense que je vais convertir ce blogue et y recopier certains passages de mes lectures qui m'ont particulièrement frappée et peut être occasionnellement mes commentaires sur ceux-ci.

OUR LAND WAS A FOREST: An Ainu Memoir
de Kayano Shigeru
c1980 (Ainu no ishibumi)
172p

Cela fait longtemps que je n'avais pas été aussi touchée par une lecture!
Dans OUR LAND WAS A FOREST, Shigeru Kayano raconte l'histoire des Ainus (autochtones de l'île de Hokkaido, au nord du Japon) de la vallée de Nibutani, en commençant par les histoires que sa grand-mère lui a conté sur sa vie, commençant vers les années 1850... La première partie est un peu plus didactique (énormément de mots en langue ainu et de descriptions des maisons ou des objets traditionnels) et moins personnelle, mais après quelques douzaines de pages, l'auteur commence à raconter son propre vécu, le temps passé à l'école primaire des shamos (les Japonais de Honshu), son père chasseur très religieux mais alcoolique, la mort de ses frères atteints de la tuberculose, les mauvais traitements que les shamos font subir aux Ainus, la pauvreté, le quasi-esclavage, la conscription...

Quelques passages que j'ai beaucoup aimés...

When you and your friends are lost in the mountains and call out for one another, don't use real names like Santaro and Shigeru, as a monster may appear, disguised as Santaro or Shigeru. Instead, call "Katchi-i, Katchi-i!" (p.77)
Je m'intéresse beaucoup aux yokais (les monstres mythologiques ou semi-mythologiques japonais) ces derniers temps et ce passage me rappelle ce genre de croyances. Pour un excellent livre sur les yokais, voir LE DICTIONNAIRE DES MONSTRES JAPONAIS de Shigeru Mizuki, publié en deux tomes en français chez Pika.

Then came August 15 [1945]. As usual, we were pushing trolleys. Just after midday a noncommissioned officer who had gone to hear a radio broadcast at the edge of the Hatchodaira air base came back and, announcing the end of workday, ordered us to return to the barracks. We milled about our quarters, wondering what was going on, until we were told to line up outside. Standing before the 200 of us civilian employees of the military, our commander, Second Lieutenant Shimura, announced that Japan had lost the war. "How much more gratifying if the emperor had told us to fight to the last soldier", he told us in tears.
My only thought then was that although Japan could not have lost, maybe, just maybe, I would be able to go home alive. It was "just maybe" because the lieutenant's words alone were not enough to convince me.
The defeat was certain, however, and from the next day we no longer pushed trolleys but began putting the camp in order. One of our orders then was to burn all diaries. Such war records could apparently be used against us should the US military occupy the area.
The diaries I had kept from 1941 to August 14, 1945, were confiscated and burnt before my eyes. In them I had recorded my continuous struggle as a forestry worker, surveyor, and charcoal burner, followed by my expreriences in the war. This was a greater shock to me than our defeat. For one year after that, until May 5, 1946, I did not resume my journal. As I write what could be termed a record of a half-life, my profound regret over the loss of those diaries intensifies. (pp85-86)

Pour les passages: (C) Westview Press (Boulder, Colorado) et Shigeru Kayano.