lundi 29 août 2016

Kimono: deuxième leçon

[Pour alléger le texte, j'utiliserai désormais l'expression "kitsuke" pour signifier le port du kimono]

Mon matériel de kitsuke

34 degrés celsius. Je sonne à la porte de la prof de kimono, entourée par les bambous dans son minuscule jardin. Elle ouvre, vêtue d’un kimono sur lequel aucun obi n’est attaché: «J’essaie de ressentir la même température que toi pour commencer le cours», dit-elle.

Avant d’avoir pris les cours je n’aurais pas compris, mais maintenant je sais à quel point IL FAIT CHAUD dans un kimono, même un kimono d’été ou un yukata. Heureusement, ma prof est une vraie amoureuse des kimonos sans être de ceux qui fixent sur les règles ; par exemple, en été elle me recommande de ne pas porter toutes les épaisseurs de sous-vêtements et de rembourrage qui devraient être portés normalement. Ça paraît évident mais...

Je crois avoir compris qu’il y a deux écoles de pensée dans le monde du kitsuke : les gens qui veulent porter le kimono pour le plaisir et qui souhaitent une renaissance générale de ce vêtement, puis au contraire les gens qui voient ça comme un «art exclusif» qui ne devrait être pratiqué qu’en respectant les règles strictes et le modèle conservateur.

Je me suis rendue à plusieurs boutiques de kimono pour acheter certains articles ces dernières semaines et j’ai deux exemples probants de ces écoles de pensée...

Type 1 : Le passionné enthousiaste

Chronologiquement, cette rencontre a eu lieu après celle du Type 2 que j’explique ci-bas, donc je me méfiais des vendeuses dans les boutiques de kimono et j’ai décidé de rentrer dans le magasin et de dire « Je cherche XYZ » très précisément, en cliente qui sait ce qu’elle veut. La jeune femme a sorti l’item d’un présentoir et m’a dit que c’était le modèle le plus vendu, j’ai dit « très bien, je le prends » et elle m’a fait asseoir à la table des commandes. En écrivant la facture, elle s’est mis à me poser les questions classiques: « Vous devez porter un kimono pour un évènement de quel genre?», «Vous savez mettre le kimono sans aide?», ce à quoi j’ai acquiescé et qui m’a valu une réaction de surprise de sa part. 
 «Vous venez d’ou?» et comme ça, elle est sortie du script ordinaire. Quand elle a posée la question : « Vous aimez les kimonos?» et que j’ai répondu que oui, je les adore, une étincelle est apparue dans ses yeux et elle s’est mis à parler de sa passion et à me demander de venir la voir des fois au magasin pour parler et lui montrer des photos. À la fin, elle a ajouté: « Je vous remercie d’avoir appris le kitsuke, c’est quelque chose qui n’intéresse plus grand monde, malheureusement».


Type 2 : Le conservateur (ou le rétentif anal; Bonjour Freud!)

Je regarde le présentoir des items décoratifs pour la ceinture obi dans la boutique d’une chaine connue de magasins de kimonos. Une jeune vendeuse vient me demander ce que je cherche. Je lui nomme les trois items que je compte acheter et lui explique la couleur de mon kimono et du obi pour qu’elle puisse me montrer les bons assortiments. Je lui montre les items du présentoir qui me plaisent. Elle me montre d’autres options dans les mêmes tons. Jusque là, ça va. Elle voit bien que je suis venue pour acheter, donc elle commence à me montrer d’autres accessoires. Je lui dit « oui, c’est beau » et elle répond « donc vous prenez ça aussi. » et je réponds que non, je trouve ça beau mais que c’est pas mon style. Elle me montre une autre option et je lui réponds poliment que je n’en veux pas. Elle se fâche, visiblement: « ah! mais madame, vous savez, on ne peut pas porter X [que je viens de lui acheter] sans porter un accessoire de ce genre, c’est IMPOSSIBLE!».  Quelques minutes plus tard, elle me refait le coup en me disant carrément que le style de kimono que je vais porter n’est « pas réglementaire » pour la saison, finalement. Je lui réponds fermement: « On m’a dit que dans un cadre informel, le kimono d’été peut-être porté jusqu’en fin septembre. C’est ce que je fais ».
Je voyais bien qu’elle se forçait pour sourire après ça, mais voyons donc! Tu vends un produit qui fait peur aux gens par sa complexité et quand une cliente vient te voir, tu lui fais le coup du « voyons madame, RESPECTEZ DONC LES REGLES». Ridicule.


En fait je crois que ces deux types de personne existent dans un peu tout, sports, arts ou loisirs qui nécessitent un brin de connaissances de base pour être pratiqués. Le problème dans le monde du kimono est que l’industrie est en déclin et que d’intimider les gens qui s’y intéressent n’aidera en rien les artisans dont les ventes baissent de plus en plus chaque année. C’est dommage.


Ceci dit, j’ai porté un kimono en public pour la première fois en revenant de mon cours et le plus difficile était de marcher, donc il faudra que je me pratique...


Pas parfait, mais déjà mieux que la semaine dernière. Avec un magnifique obi offert par ma prof.



samedi 13 août 2016

Obon dans les montagnes

Nous sommes en plein Obon, la fête des ancêtres ou fête des morts, au sujet de laquelle je ne peux expliquer grand chose puisqu'elle est fêtée très différemment selon les régions. J'ai par contre trouvé cette charmante histoire sur Wikipedia:
 «O-Bon est un diminutif pour le mot Urabonne/Urabanna (于蘭盆会/盂蘭盆会) qui dérive du nom d'un sûtra, le Ullambana sûtra. « Ullambana » signifie en sanskrit « pendu à l'envers en enfer ». Durant O-Bon, les offrandes faites aux morts permettent d'amoindrir la douleur de ces âmes en peine. 
La légende associée à O-Bon veut que Mokuren, un disciple de Shakyamuni, ait eu une vision de sa défunte mère, tourmentée dans le Royaume des Esprits Affamés, où elle payait pour son égoïsme. Bouleversé, il alla demander au Bouddha comment il pourrait sauver sa mère de ce royaume. Bouddha lui répondit : « Au quinzième jour de juillet, fais donner une grande fête en l'honneur des sept dernières générations de morts. » Le disciple fit comme demandé et de ce fait, libéra sa mère. Il découvrit par la même occasion l'abnégation dont avait fait preuve sa mère et les multiples sacrifices qu'elle avait fait pour lui. Le disciple, heureux de la libération de sa mère et reconnaissant envers celle-ci pour sa gentillesse, dansa de joie. De cette danse de joie vient le Bon Odori
Je ne participe pas aux danses Bon organisées dans chaque quartier ces jours-ci, mais j'ai quand même de quoi me réjouir puisqu'on avait une semaine entière de congé, ce qui n'arrive que deux fois par ans dans ma compagnie. Tetsu et moi sommes donc partis quelques jours dans les montagnes de Nagano, plus précisément dans la ville de Hakuba, surtout connue pour ses pentes de ski et plutôt calme en été.

Vue de la chambre d'hotel.
En été le principal attrait de Hakuba est qu'on a accès à plusieurs belles montagnes pour faire de la marche (des autobus vous y mènent gratuitement ou pour peu). Pour accéder plus facilement à des plateaux il est possible même en été de prendre les remonte-pentes, mais renseignez-vous avant de vous y rendre: plusieurs parcs demandent entre 2000¥ et 3000¥ par personne pour monter. C'est très cher!

Devant le centre d'information touristique, on peut prendre plusieurs autobus vers les montagnes.

Nous avons noté que l'affichage est en japonais et en anglais à peu près partout à Hakuba et dans les environs et qu'il y avait beaucoup de chalets qui semblaient appartenir à des compagnies étrangères. Selon les sites de réservation d'hotel, c'est une région très visitée par les touristes européens et nord-américains. À noter que plusieurs installations des jeux olympiques de Nagano 1998 sont encore là, tous les hotels ont leurs vieilles affiches en couleurs pas belles... 

Ça m'a rappelé qu'en 1998 j'étais en sixième année et mon école primaire venait de faire l'acquisition d'ordinateurs et de créer un laboratoire informatique dans l'ancienne salle de musique. On avait une période "informatique" mais je crois que les profs n'y comprenaient rien et nous avaient simplement assis devant les ordis, ouvert Internet Explorer et dit de «faire une recherche sur un sport olympique à Nagano». Je me rappelle pas quel sport j'avais choisi, mais je me rappelle que sur le site officiel des JO il y avait un jeu ou il fallait faire skier un genre de hibou et que j'avais sûrement fait ça durant tout le cours...

Genre un browser de même...

Pis la mascotte des JO de Nagano. Hop, la bière! Aucun rapport avec le sport, mais très Japonais!

En tout cas, pour revenir à nos hiboux... euh... moutons...


MEEEEEEEUH!


Pour revenir à la marche en montagne, finalement on a choisi le Kitaone Kogen Highland parce que le site promettait un bon 80 minutes de marche avec une belle vue (et qu'ils ont eu Tetsu dès qu'ils ont dit le mot "bière", qui serait disponible en vente au sommet). C'était très beau mais la marche durait un gros 25 minutes plutôt qu'un bon 80 minutes, donc il a fallu repenser nos plans pour la journée. Voici les photos du Highland.









Il était juste midi donc Tetsu a laissé tomber la bière et on a pris la voiture pour aller à Togakushi, connue pour son temple, sa "maison du ninja" et ses nouilles soba. Une heure trente en voiture dans les petites routes à flanc de montagne pour découvrir qu'il y avait tellement de monde partout qu'on ne pouvait stationner nulle part, ni pour voir le temple, ni pour la maison du ninja. On s'est rabattu sur le soba et on a choisi un resto connu qui fabrique ses propres nouilles, ce qui nous a fallu une bonne heure d'attente en file, mais ça va, la nourriture était bonne.

Sur le chemin du retour, j'ai remarqué plusieurs voitures stationnées dangereusement le long des petites routes, dans des tournants, des côtes, entre deux villages, etc. En regardant alentour, j'ai compris: puisque c'est Obon, les gens viennent nettoyer les tombes de leurs ancêtres. Dans ce genre de patelin, les tombes sont souvent situées le long des routes, séparées en petits groupes ou seules, accompagnées de statues de Jizo, le protecteur. (Voir les photos suivantes)



 Dans certaines régions, on brûle un petit fagot devant la porte de la maison ou la tombe.






Dans les villages, nous avons croisé plein de vieillards qui se déplaçaient de peine et de misère dans la chaleur, à pied ou en fauteuils roulants motorisés, pour visiter les tombes. Ça faisait pitié un peu, mais j'imagine qu'ils y tiennent à ce point, que c'est une tradition importante pour eux.





Ce fut un agréable voyage en tout cas, je vous laisse sur des photos de villages dans Nagano et de fleurs d'hydrangées, en pleine floraison.