samedi 22 octobre 2011

Cinq kanjis par jour




Cinq kanjis par jour. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est assez pour m’occuper une bonne heure par jour, après l’école. Plus l’étude de la grammaire du jour, plus le vocabulaire, plus les devoirs... J’ai l’impression que ça prendra plus de 10 ans avant que je maîtrise cette langue!

Les Chinois dans la classe ont une longueur d’avance : ils connaissent déjà les kanjis. Ne leur reste qu’à apprendre la lecture japonaise du signe. Chaque kanji que je trace semble prendre une éternité (j’ai l’impression d’être dans une classe de calligraphie). Chou, ma nouvelle amie d’origine chinoise, prend ma main qui tient le crayon et me fait tracer en une demie seconde un kanji de 16 traits. Voilà, au Japon en matière d’intellect, je suis un enfant de 2 ou 3 ans...

Comme tous les gaijins qui essaient de s’intégrer, devant les Japonais je fais tout pour cacher mes limites linguistiques. Mais entre gaijins, on n’a pas de honte et on se raconte nos histoires gênantes, nos surprises continuelles et nos trouvailles.

La semaine dernière, je suis allée à un nomikai, ce qu’on pourrait traduire par « long 5 à 7 entre collègues ». Dans mon cas, vous devinez que c’était entre étudiants du cours de japonais. Le résultat : une joyeuse fête entre 9 personnes parlant différentes langues et essayant de se comprendre avec leur connaissance limitée du japonais.



Deux évidences se présentent :

-Peu importe la langue qu’on étudie, on apprend très vite les mauvais mots. J’ai moi-même enseigné le clue de la soirée à mes collègues, qui depuis ce temps s’amusent à le répéter chaque jour en classe (hilarité générale et malaise professoral au rendez-vous)...


- La vie est dure pour les immigrants. Je le comprends encore mieux maintenant. Presque tous les immigrants (j’entends ici les gaijins qui entendent rester au Japon pour la vie) que j’ai rencontré ont travaillé au noir. Heures non-contrôlées, payées comptant sous la table (ou non-payées, si votre boss est un crotté), aucune pause, aucune sécurité.

Nous pensions tous que mon amie nous niaisait quand elle disait qu’elle dort dans un McDo, mais cette semaine elle nous a finalement expliqué que ce n’est pas une blague : « Je vais à l’école de 1h30 à 17h40. Ensuite, ça prend 2h rentrer chez moi à Yokohama, donc je vais directement près de mon travail à Shinjuku et je dors quelques heures dans le McDo avant de commencer mon quart de travail du matin. »

Un autre mec de la classe à toujours faim parce qu’il doit payer ses études à l’école de langue et à l’école de métier à la fois. Il m’a dit qu’il vit sur un budget de 100yens par jour (1,25$).


Enfin... j’ai entendues des dizaines d’histoires comme ça et je côtoie des gens dans cette situation chaque jour. Mais ce ne sont généralement pas ces personnes qui se plaignent de la vie au Japon. En fait, beaucoup de mes amis et collègues dans cette situation adorent quand même le Japon et essaient de s’intégrer au maximum. Et ça me confirme la mauvaise opinion que j’ai des gaijins de l’autre espèce, ceux qui passent leur temps à pester contre les Japonais et le Japon pour tout et pour rien et qui ont constamment le mal du pays. Pour couronner le tout, la plupart des gaijins que je connais qui rentrent dans cette catégorie sont relativement bourgeois et viennent de pays riches, où ils pourraient facilement retourner avec un claquement de doigts, s’ils le voulaient.

Donc finalement, l’adaptation est une question d’attitude et de personnalité...


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De mon guesthouse à la station, il faut prévoir un petit 7 minutes de marche à travers un quartier très calme. Chaque jour, au bout de la rue, je passe devant deux building de 4 étages se faisant face, constamment surveillé par des gendarmes. Il m’est arrivé quelques fois de sortir de chez moi et de m’apercevoir qu’il y avait un agent de sécurité ou un policier à chaque cinq mètres, tout le long de la petite rue, jusqu’à la station. Ces jours-là, le stationnement devant les deux bâtiments sont remplis à craquer d’un seul et unique modèle de voiture, toutes noires, fraîchement lavées, avec un chauffeur aux gants blancs fumant à l’extérieur. Le nombre de voitures identiques peut aller jusqu’à une soixantaine, les jours où le stationnement intérieur est rempli.


Aujourd’hui, j’ai déchiffré les kanjis pour finalement confirmer mon intuition. Dans ma petite rue tranquille, il y a le QG d’un parti politique.


Bonne nouvelle : ce parti politique est le New Komeito, le troisième parti politique en importance au pays et le plus progressiste de ces trois. Le NK lutte entre autres pour de meilleures relations avec les voisins asiatiques du Japon et pour le droit des femmes japonaises et immigrantes. Je vais les saluer plus souvent quand je passe devant, dorénavant.


Juste après, sur la rue, il y a une maison traditionnelle japonaise, entourée d’une enceinte qui ne laisse entrevoir que le toit de tuiles et le pas de la porte principale, par le seimon. Quand il fait soleil, deux chats se couchent là. Quand je ne suis pas pressée, je me penche pour les flatter. D’autres jours, un salaryman est déjà occupé à cajoler les chats et je passe mon chemin. Au temple voisin, un moine fume une cigarette pensivement, tandis qu’un peu plus loin, le son d’un biwa s’envole d’une fenêtre.


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