vendredi 6 décembre 2013

Le conte du compeur de bambou -- Princesse Kaguya




D'une façon où d'une autre, vous avez sûrement déjà entendu parler de ce très ancien conte japonais, dans lequel un vieux couple sans enfant trouve un minuscule bébé dans un bambou et décide de l'élever comme le leur. Malgré leur pauvreté (le vieux est coupeur de bambou et ils vivent du tressage qu'il font des fibres de bambou), ils élèves leur fille comme une princesse, puisque le vieux trouve régulièrement des pépites d'or dans le tronc des bambous près de celui où Kaguya est «née».

La fille grandit littéralement à vue d’œil et devient rapidement une femme a la beauté et à l'élégance exceptionnelle, ce qui incite son père à l'annoncer à la capitale, dans l'espoir qu'elle marie un prince. Les cinq régents la demandent en mariage, mais elle leur demande chacun de trouver un objet magique exceptionnel (le vêtement magique du Rat de Feu, une pierre précieuse venant du cou d'un dragon, le bol de mendiant de Bouddha, etc). Chacun échoue et l'Empereur lui-même demande la princesse en mariage, ce qu'elle refuse.
Elle annonce bientôt à sa famille et à son entourage qu'elle est en fait une habitante de la Lune et une embarcation céleste vient la chercher, après qu'elle ait revêtu un manteau qui lui fera oublier les gens qu'elle a aimé sur Terre et la peine qu'elle a de les quitter.
Il existe plusieurs versions du conte et je vous invite à lire le très intéressant article Wikipedia en anglais à ce sujet.


Le très connu Studio Ghibli a sortie sa version animée du conte en film le mois dernier, réalisé par Isao Takahata (Le tombeau des lucioles, Pompoko, Mes voisins les Yamada, etc.). Je suis allée le voir cet après-midi malgré le coût prohibitif des billets de cinéma ici, et je n'ai pas été déçue!
Les dessins sont magnifiques, très stylisés et l'animation peu fluide (sûrement beaucoup moins que 24 images seconde) souligne le coté conte, ainsi que la musique a capella (toujours chantée par des personnages à l'écran). Le film met l'accent sur la fascination de Kaguya-hime pour la nature (elle mentionne vers la fin que le paysage est très différent sur la Lune), sa tristesse par rapport à l'incompréhension de son père (qui veut absolument qu'elle se marie et fasse partie de la société, la forçant à quitter sa maison «natale» et son village) et son amour d'enfance, un garçon du village avec qui elle a volé un melon (elle le revoit plus tard devenu voleur et s'en culpabilise).




Le film est très beau tout en étant plutôt triste (fallait quand même si attendre, venant du réalisateur du Tombeau des lucioles, alias «le dessin animé le plus déprimant au monde») et suit l'histoire originale tout en y ajoutant des détails et en en changeant d'autres -- dans le film Kaguya est dégoûtée par l'empereur (plutôt que d'entretenir une relation polie avec lui), c'est le Bouddha lui-même qui vient la chercher avec son entourage céleste, et malgré qu'elle porte le manteau de l'oubli, ses sentiments pour sa famille ne semblent pas la quitter.

À voir, quoi que si vous êtes à l'extérieur du Japon, vous aurez droit à la version doublée par Disney (qui n'offre jamais le sous-titrage), ce qui est dommage puisque quand même le contexte et les chansons originales sont très japonais...





vendredi 15 novembre 2013

En entrevue

«Vous ne vous ressemblez pas sur la photo...
- Eh bien, vous non plus, en fait, vous aviez des lunettes sur la photo du site web!
-Ah, c'est vrai? Hahaha!
»

Extrait de ma dernière entrevue, plutôt relax, cet après-midi. J'en ai eu trois cette semaine, pour trois emplois différents dans le domaine de l'enseignement.

Deux des entrevues ont eu lieu au siège social de compagnies et j'avoue m'être attendue à du zèle, côté protocole. Des courbettes, des entrevues devant un panel de trois-quatre monsieurs en veston-cravate qui vous fixent et qui notent vos réponses de temps en temps, des signatures, un « nous vous rappellerons la semaine prochaine si vous êtes choisie » sans sourire, et tous les autres trucs à vous faire tremper les dessous de bras.

Et je suis heureuse de vous dire que rien de cela ne s'est produit! Les trois entrevues se sont passées sans problème, dans une atmosphère sinon calme, du moins souriante. Suivi de causerie et « votre candidature nous intéresse beaucoup, nous vous contacterons certainement bientôt!». Et déjà un retour positif d'une compagnie très intéressante.

En fait, pas très différent des entrevues que j'ai passées à Montréal.
Sauf qu'au Japon, en entrevue comme dans pas mal d'autres situations, il faut s'attendre aux questions personnelles. Les trois compagnies m'ont posée la classique : « Qu'êtes-vous venue faire au Japon?» et deux m'ont demandé quels étaient mes plans à long terme. « Fair enough », comme on dit, pour des emplois réservés aux expatriés, avec des compagnies qui doivent fréquemment voir leurs employés se rapatrier.
Dans une entrevue, c'est devenu plus corsé, par contre. On avait préparée une liste de 300 questions auxquelles je devais répondre (par écrit) par oui ou non.  Je pense en fait que ça sortait tout droit d'un livre pour tester les psychopathes, avec des questions du genre : «Avez-vous déjà souhaité la mort de quelqu'un?», « Pensez-vous que vos parents vous ont aimé?» et (my personal favorite) « Avez-vous déjà eu une pensée tellement grave que vous n'oseriez jamais en parler à personne? ».
« Ah oui, ça oui! Tout les jours! C'est pour cela d'ailleurs que j'applique chez vous, pour travailler avec des enfants! »

Ouff... Mais je me suis tout de même demandé si de temps en temps il y en a des assez déconnectés pour répondre des trucs louches dans le cadre d'une entrevue d'embauche. Faut quand même une raison pour faire passer ce questionnaire à chaque personne interviewée.
« C'est simplement pour savoir si votre profil correspond à notre compagnie. 
-Moi, mon profil il correspond plutôt à la prison! », de répondre l'autre, avec ses yeux de malade.

Donc voilà. Et aux dernières nouvelles, je suis pas mal sûre de commencer un nouvel emploi le 9 décembre. Yahou! J'vous en reparle bientôt!

En attendant, ce vidéo est un peu vieux, mais je l'aime bien...



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samedi 2 novembre 2013

Savoir s'excuser

Six semaines à Montréal, puis retour à Tokyo mardi passé.
Au Don Quichotte (le grand magasin d'économies ou on trouve tout, tout, tout...), je tombe nez à nez avec une employée du refuge pour animaux où je fais du bénévolat. Je ne suis de retour au Japon que depuis deux jours. Figée, je reste muette avant de commencer: « Pardon....j'ai oublié.... le japonais.... suis revenue avant-hier... désolée... ». Incapable de penser à une phrase toute simple en japonais! Mon cerveau est en mode français pour encore quelques jours, rien à faire. Heureusement, l'autre est une femme plus habituée aux animaux qu'aux humains et ne semble pas trop gênée de ma gêne.

De toute façon, au Japon, l'important est de savoir s'excuser. On s'excuse tout le temps, à tour de bras, sans y penser. C'est vite acquis. Celui qui ne le fait pas est vite jugé. De toute façon, s'il ne le fait pas, c'est qu'il fait exprès. « Il se pense supérieur! », « Pour qui y s'prend, ce type! » ou encore « Qu'est-ce que j'ai fait pour qu'il me déteste à ce point? ».

On s'excuse quand on échappe quelque chose. On s'excuse quand un collègue nous donne un cadeau (du trouble qu'on a dû lui causé, même si on ne lui a jamais demandé de nous rapporter des croquettes aux crevettes en souvenir de son voyage à Taïwan). Au téléphone, on s'excuse au client de l'avoir fait attendre, même si il n'a attendu que trente secondes. On dit « je suis profondément désolée » à la dame qui a freiné sèchement son vélo pour nous éviter, même si on le fait avec de l'indifférence ou même du sarcasme dans la voix.

Ça devient vite un comportement normal pour nous (les expats) et pour eux (les Japonais), puis quand on sort du pays il faut réapprendre que demander pardon, dans le reste du monde, c'est avouer un tort.

Voilà.
Je m'excuse de ne pas avoir mis mon blogue à jour depuis près d'un an.

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mercredi 2 janvier 2013

Bonne année!

Cuisine traditionnelle du nouvel An japonais, le 1er janvier à midi.

Je m'aperçois que je n'ai pas écrit depuis un bon moment!
Disons que j'ai été occupée par Noël et par le Nouvel An (qui est LE gros évènement de l'année, ici). Mais depuis hier, je prends ça relax et je mange, dors, et fais des promenades près de la rivière Tama (Tamagawa).  La majorité des Japonais a congé le 1er janvier, et si ils sont chanceux, les quelques jours suivants. Le parc est donc très populaire ces derniers jours et beaucoup d'enfants viennent faire voler le cerf-volant qu'ils ont reçu au Nouvel an.




Moi j'ai plutôt observés les animaux. Ici, deux tortues se font dorer au soleil à côté de moi. Une troisième est ensuite venu se battre avec la plus grosse pour s'asseoir sur la même roche... Ça ressemblait à un tournoi de sumo, et je me suis demandé si tout ça n'était pas à la base des histoires de kappas (tortues-singe-grenouille mythiques) qui font du sumo ...



dimanche 18 novembre 2012

On s'occupe de son jardin...

Aujourd'hui j'ai décidé de désherber l'espace autour de la maison. Je me suis vite mis dedans et j'ai rempli un gros sac de toutes sortes de mauvaises herbes et d'arbres qui ont poussé depuis août (et un vieux magazine porno en décomposition que dieu-sait-qui a enterré dans ma cour - no joke). Ça en fait pas mal...
Avant le passage de l'ouragan Ariane...

Après le passage de l'ouragan Ariane.

 Je suis encore enrhumée et je peux pas vraiment sortir, donc ça a été ma grosse activité de la journée et ça a fait du bien. J'ai aussi essayé de la nourriture reçue en cadeau: un karanka, qui est une sorte de fruit chinois que je n'avais jamais vu.  On l'écrase et on le fait bouillir (écorce et noyau) et ça donne un genre de liquide brun foncé très sucré («400 fois plus sucré que du sucre» et sans calorie, clamait le papier dans la boîte...). Pas aussi mauvais que ça en a l'air.


J'avoue qu'au début j'ai cru que c'était des cocos en chocolat... J'ai été un peu déçue quand j,ai compris que non...

Le fruit en soi. Très léger.

Ce que ça donne, bouilli.

Gâteaux de riz vus au temple l'autre jour... Miam miam!


lundi 5 novembre 2012

Un après-midi tranquille dans Fuchu


Il fait nuageux aujourd’hui, mais j’avais envie de marcher un peu. Je suis passée au bureau de poste puis j’ai emprunté un chemin qui mène vers la rivière... Ça s’est transformé un promenade de deux heures dans mon quartier.

Un peu au Sud de ma maison se trouve une petite rivière. Un parc la longe sur une bonne partie de sa longueur, parfois aménagé, parfois un peu sauvage. J’y avais déjà été en été, mais je suis revenue aujourd’hui et j’ai longée la rivière plus longtemps. Ça m’a permis d’observer attentivement et de découvrir plein de beaux oiseaux que je n’avais pas vus à Tokyo depuis longtemps : hérons, faucon et « bergeronnettes » japonaises (ce qui semble être la traduction française du mot anglais «wagtail»). Beaucoup de pêcheurs étaient installés avec des cannes très longues (6-7 mètres, je n’ai jamais vu ça ailleurs) et la pèche semblait très bonne : littéralement des dizaines de petits et moyens poissons sautaient hors de l’eau à tout moment.



Non, ce n'est pas la rivière, mais un petit ruisseau décoratif aménagé à côté.

Les ponts miniatures qui traversent le ruisseau sont une copie des ponts véritables qui traversent la rivière. Si vous regardez bien, vous verrez le pont «original» de celui-ci en arrière-plan.

Les maisons longeant la rivière.


Je suis revenue chez moi par des petites rues tranquilles longées de belles maisons de tous types d’architectures, avec des chats perchés un peu partout pour une sieste d’après-midi et des arbres remplis de kakis et de mandarines.


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À la maison, Mimi, la chatte de gouttière qui a élu domicile sur la boîte à outils du vieux voisin s’habitue à moi au point où quand je me brosse les dents près de la fenêtre, elle vient regarder (et quêter).


Mimi est curieuse.



samedi 3 novembre 2012

Un après-midi au Jindaiji

Le bâtiment principal du Jindaiji

Près de mon quartier, dans Chofu, se trouve le second plus vieux temple bouddhiste de Tokyo, le Jindaiji. Appartenant à la secte Tendai et construit en 733, son apparence est relativement modeste. Aux alentours, se trouve un vieux quartier marchand, spécialisé en soba (nouilles de sarrasin), avec les moulins et le cours d'eau nécessaires à la fabrication des pâtes sur place. Le tout est très charmant et on se sentirait presque à une autre époque (ajoute à cette impression les marchands de jouets traditionnels et le potier situé juste au centre du «village»).

La façade du bâtiment, avec des Shishis, dragons et Phoenix.


Une petite île au centre du quartier


Deux fabricants de soba se partagent un moulin. Un tanuki géant accueille les visiteurs devant chaque porte.

Nous nous sommes arrêtés à un petit restaurant de soba, avec jardin aménagé.

Vue de notre table...

Réclame du restaurant

Entrée du restaurant

Un excellent sansai soba: pâtes fabriquées sur place et légumes de montagne (fougères, champignons, pois et pousses).

Un très traditionnel soba.



Un de mes artistes de manga préféré, Mizuki Shigeru, habite dans le quartier. Puisqu'il est extrêmement populaire au Japon, surtout pour sa série intitulée "Gegege no Kitaro" (Kitaro le repoussant), on lui a dédiée une petite galerie et une boutique à l'entrée du quartier. Il s'est beaucoup intéressé au folklore japonais, principalement les youkais, ces "monstres" traditionnels présents un peu partout, «si on sait observer». D'un point de vue anthropologique, c'est aussi extrêmement intéressant, car ces créatures prennent des formes différentes d'une région à l'autre et leurs apparitions sont souvent liées à certains phénomènes sociaux ou pratiques ancestrales.

On peut souvent croiser Mizuki Shigeru dans le quartier. Il a perdu son bras gauche (il était gaucher) quand il était soldat en Nouvelle Guinée (voir son manga Opération Mort), pendant la Deuxième guerre mondiale et il est donc assez facile à reconnaître. Apparemment, il a appris à dessiner avec sa main droite dans les années 1950, pour ce qu'on pourrait appeler une forme d'auto-thérapie.


La galerie-boutique Mizuki Shigeru

Kitaro le repoussant et l'Homme-rat, entourés de youkais.






La Gegege-mobile

J'ai pas pu résister...

Carte postale. Kitaro et l'Homme-rat pèchent un kappa.
(Tous droits réservés, 水木プロ)

Un extrait de «Mon ami le kappa» (Tous droits réservés, 水木プロ)

En passant, j'ai commencé ce billet en mentionnant que le Jidaiji est le second plus vieux temple de Tokyo. Savez-vous lequel est LE plus vieux?
Non? C'est le Sensoji de Asakusa, très prisé par les touristes.

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