samedi 21 août 2010

Politique japonaise

Bon, ce matin encore le camion des ultra-nationalistes est passé sous ma fenêtre avec ses hauts-parleurs. Pour une fois, le fou à bord ne criait pas ; il faisait juste jouer une chanson. Je l'ai cherchée et je crois l'avoir trouvée sur Youtube, je vous laisse regarder le vidéo avec les traductions et les images d'archive, c'est plutôt troublant.

Notez que la chanson est composée en 1937, donc pour la guerre sino-japonaise. La chanson mentionne la ''Grande paix asiatique'' (le chanteur dit quelque chose comme ''je sais, du fond de mon coeur, que je me bats pour la paix de l'Asie''... les mots utilisés en japonais sont plus chargés d'émotion que ceux qui existent pour les traduire en anglais). La version que j'ai entendue ce matin était un enregistrement dans lequel des femmes aussi chantaient, sur un ton réservé aux chansons traditionnelles japonaises, ce qui met un petit doute dans mon esprit. Dans tous les cas, les paroles étaient très semblables.

Donc pour en revenir au camion, ça en dit long sur ce qui se passe dans ces milieux au Japon en ce moment. Vous savez peut être que le premier ministre, Naoto Kan, s'est excusé officiellement à la Corée du Sud lors du 100e anniversaire du traité d'annexation Japan-Corée ( Japan-Korea Annexation Treaty... je ne suis pas sûre de la traduction correcte du terme), la semaine dernière.
Le lendemain, je visitais les parcs du Palais Impérial et nous entendions un autre fou-furieux gueuler dans ses hauts-parleurs, avec un ton de chien enragé. Je ne comprenais pas ce qu'il disait mais j'imagine que c'était en lien avec ce qui venait de se passer.

Des fois je me sens comme dans un autre pays que le Japon, ou plutôt dans le Japon d'une autre époque. Je trouve incroyable qu'en 2010 certaines personnes croient encore aux conneries qui étaient divulguées par les gouvernements fascistes qui étaient au pouvoir au Japon pendant la première moitié du 20e siècle. Déjà que j'ai de la difficulté à en croire mes oreilles quand j'entends quelqu'un en Amérique du Nord dire que la bombe atomique était un ''mal nécessaire'' (vous me direz que c'est une question d'opinion, peut-être, mais la ligne est mince des fois entre opinion et idée forgée par la propagande...), mais j'entends des trucs encore plus stupides venant de ces groupes-ci, ici à Tokyo...

Il faut dire qu'avec Shintaro Ishihara comme gouverneur de la ville les choses vont très mal...
(Ouverture des parenthèses pour répéter quelques un de ses propos des dernières années: ''Le massacre de Nankin est une fiction!'' , ''Arrêtons de donner des visas de travail aux Africains, Dieu sait ce qu'ils foutent dans notre pays!'', et mon préféré, en 2002 quand même: ''old women who live after they have lost their reproductive function are useless and are committing a sin''. N'oublions pas ses ennemis préférés, les Coréens et les descendants de Coréens vivant au Japon, responsable d'à peu près tous les crimes dans la région métropolitaine, selon monsieur...)

À ce sujet, je vous suggère vivement de lire l'excellent blogue d'Eric Robinson, BLACK TOKYO, qui apparaît dans ma barre de liens à la droite de l'écran. Pour les paresseux, www.blacktokyo.com .... VRAIMENT VRAIMENT VRAIMENT intéressant.


Si vous voulez vous faire peur au sujet des roupes de droite au Japon, cherchez Uyoku Dantai sur Internet, et lisez sur la controverse autour du temple de Yasukuni.



Mais bon, en politique comme dans plein d'autres choses, le Japon est le pays des contradictions... Je pense à cette photo de Yukio Mishima que j'ai vue l'autre jour au musée de photographie (photo de Eikoh Hosoe que vous pouvez chercher sur internet facilement-- ORDEAL BY ROSES).

Yukio Mishima a écrit YUKOKU, ''Patriotisme'', une nouvelle racontant le suicide par seppuku d'un officier japonais et de sa femme. C'est une des nouvelles japonaises les plus connues à l'intérieur et à l'extérieur du Japon (ET extrêmement bien écrite). Quelques années plus tard, en 1970, Yukio Mishima annonce publiquement son suicide, apparemment motivé par des idées politiques, avant de s'embarrer dans une salle avec quelques amis, où il se fait seppuku (appelé incorrectement hara-kiri en occident) complet (avec décapitation).

Le dernier discours public de Mishima est en faveur du Japon traditionnel et de l'empereur... Pour un écrivain qui maitrisait l'anglais parfaitement, qui avait vécu hors du pays, ouvertement homosexuel, ayant posé pour du matériel pornographique gay et ayant joué entre autres dans une adaptation filmique d'un livre d'Edogawa Rampo (un écrivain banni par le gouvernement dans les années 1930 à cause, justement, de l'anti-patriotisme de ses livres bourrés de situations érotiques grotesques), disons qu'il y a pour dire le moins, contradiction.

Mishima étant mon auteur préféré, je saute sur toutes les occasions pour en parler... L'autre jour Daigo me disait que Mishima est un genre de héros japonais dont il ne faut pas parler. Les Japonais savent tous qui il est, mais il ne faut pas trop donner son opinion à son sujet, apparemment.

À l'université, j'ai déjà argumenté avec un professeur qui considérait Mishima comme le moins japonais des auteurs japonais... Selon lui, Mishima échappait au style très codifié de la littérature japonaise, qui passe souvent par beaucoup d'observations (exemple parfait: Natsume Sooseki). Mon professeur ne comprenait pas la langue japonaise et ignorait surement le fait que Mishima écrivait ses romans dans une forme de japonais proche du japonais classique, ce qui fait de lui apparemment un auteur difficile, même pour les Japonais. Les traductions des livres de Mishima sont souvent mal faites et c'est pourquoi encore maintenant beaucoup de détails échappent aux lecteurs non-initiés autant à la culture japonaise qu'aux opinions de Mishima lui-même.

Bon, je me demande pourquoi j'ai écrit tout ça.

En fait je suis prise chez moi... J'ai été la clinique avant-hier parce que mon mal de gorge ne se réglait pas, et on m'a prescrit des antibiotiques en plus de... quatre autres médicaments qui ont tous des effets secondaires terribles (pas compris pourquoi on m'a prescrit ça pour une infection à la gorge). Peut être que ce billet de blogue ne fut qu'une longue divagation de mon cerveau fatigué... J'en suis désolée si vous l'avez lu jusqu'à ce point!

Cette nuit je pars pour Kanazawa, voir ma mère d'accueil.

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